Gaston Meskens – What's Wrong With Ideology? Life and work at the Institute of Idle Curiosity for Elements of Seduction

[…] « The Boulevard of Broken Dreams » n’était qu’une histoire. Une fiction », dit-elle. « Les palmiers étaient en plastique et la rue ne menait nulle part. C’était du toc, mais peu importe. Tout environnement physique peuplé est un décor. À l’extérieur aussi. Les ordures dans les ruelles et dans les zones en friche de la ville sont fausses. Tout y a été déposé. Les animaux sont morts et empaillés. Les magasins sont remplis, mais rien n’est à vendre. Les taxis tournent en boucle et les trains font des navettes. Les gens sont sur leur trente-et-un, mais sans raison particulière. Tout est sculpté, assemblé et feint ». Elle fait une pause. […] « Mais nous pouvons facilement le retirer si nous le souhaitons, et tout faire revenir à la normale ».
Dans le couloir, l’air est moite et le ventilateur grince. Vous posez votre valise. « Pourquoi faire cela ? », demandez-vous. « La seule chose normale ici est peut-être le désert. Le désert qui relie les villes. Le désert qui est entouré par les continents. Nous le traversons pour y échapper et nous nous attardons dans les fata morgana que nous érigeons les uns pour les autres. Nous installons des décors pour cacher le fait qu’il n’y a rien derrière et pour nous permettre de nous concentrer sur la pure rencontre. Alors, pourquoi le retirer si vous en avez besoin pour que nous puissions vous reconnaître en premier lieu ? » […]
Extrait du film Twilight Hotel (du collectif Tragic Realist Fiction, 2014, 24’05”)
Gaston Meskens:
« J’ai commencé le projet artistique L’Institut de Curiosité vaine pour Éléments de Séduction quelque part en 2006. Entre-temps, le projet a pris la tournure d’œuvre d’une vie et de cadre conceptuel pour toutes mes activités artistiques et philosophiques. On peut l’interpréter comme une réflexion critique sur l’idée d’une “ingénierie sociale” guidée par l’idéologie, au sens de pratique socio-politique de la modernité qu’elle est devenue aux XIXe et XXe siècles, et qui se développe sous toutes les formes artistiques possibles (textes, impressions, dessins et tableaux, musique et paysages sonores, objets trouvés, installations, présence sur la Toile, performances et happenings). »
« L’Institut de Curiosité vaine pour Éléments de Séduction est un institut de recherche. Son programme de recherche considère la manière dont les humains gèrent l’incertitude, l’ambiguïté, la complexité et l’inconnu dans les interactions sociales et politiques d’un monde encore toujours aux prises avec les convulsions de la modernité. Si le fondement du programme de recherche est une théorie critique qui cible des stratégies de conformisme, de positivisme, de “profitisme” et de populisme dans des contextes sociaux, culturels, scientifiques, économiques ou politiques, il tend essentiellement à aller au-delà de l’analyse critique en tant que telle. L’objectif est de rechercher et de formuler un “nouvel humanisme” qui pourrait inspirer de nouvelles formes de vie sociale et de nouvelles méthodes d’interaction politique qui résisteraient à ces stratégies et qui permettraient et inspireraient un véritable dialogue sur le bien-être, la solidarité et la justice sociale. »
« En ma qualité de philosophe, je prends cette recherche au sérieux, et elle est ainsi devenue une pratique universitaire militante et professionnelle en soi. En ce sens, l’Institut de Curiosité vaine pour Éléments de Séduction n’est pas seulement une analyse critique de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, mais une expérience à la fois philosophique et artistique de pensée idéologique. En tant que chercheur de mon propre institut, j’agis dans les mondes “réels” de l’art, de la science et de la technologie, de la philosophie académique, et de la politique internationale telle que celle des Nations unies. Je présente ma critique socio-politique et ma vision d’un nouvel humanisme dans ces mondes et réintègre des réflexions sur ces activismes dans ma pratique artistique. Tous ces mondes ont leurs propres ratios, langages et codes d’autoconfirmation, et selon les personnes que je rencontre dans ces mondes, je relate des variations du récit qui raconte qui je suis et ce que je fais. »
« Enfin et surtout, le concept de l’Institut fournit également un cadre pour l’autocritique : dans mon activisme philosophique, je suis critique à l’égard du pouvoir et du profit et dans mon art, je réfléchis à mon activisme. Je pense que l’“hyperréflexivité”, en tant que sommet de l’état final “surplombant” tout, aboutira toujours à la mélancolie, cependant pas en son sens simpliste actuel de dépression que la modernité lui a conféré. En août 2016, l’Institut a organisé à Anvers la “2e Conférence mondiale sur la Valeur de la Mélancolie en Temps d’Engagement de Pacotille” et à cette occasion, il a reformulé le sens de la mélancolie comme étant une expérience éthique dans l’interaction sociale, et l’a décrétée comme la plus haute condition intellectuelle qu’un être humain puisse atteindre. Le texte Revisiting Melancholy [Revisiter la mélancolie] est repris dans la publication qui sera mise à la disposition des visiteurs de l’INBOX durant l’exposition. »
Ouverture officielle
Jeudi 15 septembre 2022
Programme cinéma
TRAGIC REALIST FICTION – So Here We Are
17 & 18 septembre 2022 / heures d’ouverture du musée
Auditorium du M HKA
Salon: Melancholies of Modernity
Jeudi, 29 septembre 2022, Auditorium, du M HKA, 18h00-21h00
L’exposition au M HKA INBOX va de pair avec un salon où les intervenants invités et le public discuteront des interprétations actuelles de la manière dont l’idéologie de la modernité façonne encore notre monde aujourd’hui. En outre, le salon engagera une réflexion sur la nécessité proposée d’une relecture de la modernité, comme le suggère l’exposition à INBOX. Le point de départ est que la lecture historique traditionnelle de la modernité, en tant que processus unidirectionnel et assuré d’émancipation et de progrès scientifique, industriel, social et politique, est trop simple.
Premièrement, on peut considérer l’émergence de la démocratie et de la science modernes comme une libération émancipatrice des empereurs et des prêtres, mais l’idée est que les « méthodes » de la démocratie et de la science, héritées de la modernité, ne sont plus en mesure de saisir la complexité des problèmes sociaux auxquels nous faisons face. De ce point de vue, la différence avec l’art est significative : alors que la modernité a fait de la démocratie et de la science des productrices confiantes de vérités rationnelles (affirmant que la justification de ces vérités peut être fournie par la logique de leurs propres méthodes rationnelles internes), l’art était le seul mode d’interaction pour lequel la modernité était un processus graduel d’introspection et d’autorelativisation critique.
Deuxièmement, l’interprétation traditionnelle de la modernité tend à faire l’impasse sur les « premiers signes de réflexivité » typiques qui ont émergé dans la modernité socio-politique elle-même. Par exemple, dans leurs tentatives de démocratiser la connaissance et de lutter pour l’émancipation et la libération, des personnalités telles que Paul Otlet et Wilhelm Reich, mais aussi Walter Benjamin et Rosa Luxemburg, ont émis des critiques visionnaires sur l’exploitation moderne et la marchandisation de l’être humain. Mais en même temps, leur travail pourrait être qualifié de vulnérable et donc de mélancolique, étant donné qu’il pourrait facilement être balayé comme naïf par des pouvoirs économiques et politiques modernes qui manipuleraient les réflexions de ces penseurs et activistes et se les approprieraient simultanément, pour les intégrer à leurs propres stratégies. L’idée est que nous ne pouvons pas comprendre pleinement l’éthique de la complexité des défis d’aujourd’hui sans tenter de réfléchir à ces « activistes philosophiques » de la première heure et sans se demander comment et pourquoi leurs idées visionnaires, qui sont toujours d’une importance cruciale pour le bien-être et la justice sociale, sont néanmoins encore et toujours vulnérables à ce jour ?
L’artiste et activiste philosophique Gaston Meskens a une formation scientifique. Il a étudié la physique théorique, avec une spécialisation en cosmologie et en physique nucléaire, à l’Université de Gand et a depuis développé un « activisme philosophique » et une pratique artistique en parallèle. Il est le fondateur et le coordinateur de l’Institute of Idle Curiosity for Elements of Seduction [l’Institut de Curiosité vaine pour Éléments de Séduction] et du New Humanism Project. Il est maître de conférences invité à l’Agence internationale de l’énergie atomique, au Trinity College à Dublin, à l’Université polytechnique à Madrid, à l’Université technique à Aix-la-Chapelle, à l’Université nucléaire mondiale, à la Rijksakademie à Amsterdam, à l’Institut supérieur des Beaux-Arts (HISK, Gand) et à l’Université de Hasselt.
Plus d’informations sur https://www.normsanddialectics.net/