INBOX: Alexander Schleber – COLOR SPACE

Le M HKA réserve le cinquième étage à des interventions surprenantes et à des présentations pop-up intimes. INBOX est un lieu qui inspire et qui surprend, et nous permet de jeter un coup d’œil dans l’univers de penseurs et d’acteurs enthousiastes. Avec INBOX, le M HKA crée un espace pour un certain nombre de questions qui sont souvent posées au musée.
L’accès à l’espace INBOX est libre.
Sur une période d’environ dix ans, Alexander Schleber (°1939) a développé une œuvre concentrée et remarquable. Différentes séries qui se succèdent à un rythme rapide frappent et attirent l’attention par leur chevauchement mutuel et par leur retour à des œuvres précédentes. En tant qu’Allemand aux États-Unis et ensuite en Belgique, Schleber absorbe plusieurs courants artistiques assez variés. Son œuvre témoigne de sa bonne connaissance de différents mondes artistiques, mais Schleber se révèle aussi capable d’élaborer un langage visuel idiosyncrasique. Là où la rupture entre l’expressionnisme abstrait et le minimalisme est radicale aux États-Unis, une transition beaucoup plus graduelle s’opère en Europe entre les différents courants artistiques et l’œuvre de Schleber s’inscrit dans cette transition européenne, même si elle se nourrit manifestement aussi d’influences états-uniennes.
À partir de 1973, Schleber réalise des compositions avec des objets géométriques. Ainsi, il ajoute des boules à des objets utilitaires qu’on retrouve dans chaque ménage, comme un couteau, une fourchette et une théière. En outre, Schleber utilise ces boules dans des sculptures à l’apparence minimaliste, entièrement composées de boules de format identique. L’aspect ludique des objets précédemment décrits est toujours présent, même si ces œuvres paraissent surtout avoir été générées à partir d’un certain systématisme. Schleber applique également ses boules sur des surfaces planes, souvent carrées, parfois avec des entailles géométriques. Sa palette de couleurs fait référence aux expressionnistes abstraits Barnett Newman (1905-1970) et Mark Rothko (1903-1970). Les boules ajoutent une tension supplémentaire à la couleur parce qu’elles reflètent la lumière de différentes manières. Il est intéressant de constater que Schleber prend ses distances avec l’expressionnisme abstrait, sans pour autant se détourner de la peinture en tant que telle. S’il reste fidèle à sa palette de couleurs, il remplace toutefois l’expression par le systématisme. Et en donnant une forme précise à la toile, il la transforme de simple tableau et support en objet autonome.
Vers 1975, les lettres et le langage se mettent à jouer un rôle important dans l’œuvre de Schleber. Tout d’abord, il y a les plaques d’immatriculation qu’il collectionne. Dans son œuvre Autogram Generator (1976), qui a fait partie de Documenta 6 de Harald Szeemann en 1977, Schleber écrit toutes les combinaisons de lettres possibles à ce moment-là en Allemagne. En outre, cet ouvrage en quatre tomes comporte des polaroïds des mots qu’il a repérés sur des plaques d’immatriculation. Ensuite, Schleber a incorporé ces polaroïds dans Autograms, des sélections de polaroïds de plaques d’immatriculation qui, assemblés, forment des phrases. Dès qu’il se met à utiliser des plaques d’immatriculation, on voit apparaître plus souvent des lettres dans ses assemblages et on observe une plus grande attention accordée à la conscience de la langue et de la signification. Cela se manifeste également dans les poèmes visuels que Schleber commence à réaliser vers 1975. Il les appelle Serial Typos parce que l’idée a germé d’une faute de frappe, à savoir une superposition de lettres causée par le blocage de sa machine à écrire alors qu’il tapait un texte. Schleber a trouvé cette superposition de mots réellement fascinante. D’une part, il y a une approche strictement minimaliste, d’autre part, il y a cet élément ludique de la faute de frappe.
Julia Mullié