INBOX: Kasper De Vos - Pushing And Pulling The Center To The Mirror

It is clear. It is empty. My spirit is anguished by color. Color is the sign of the existence of life. I feel like believing, being in a state of pure belief, of affirmation. I exist because I see colors. Sometimes, at other moments, it is as if I didn’t exist, when colors seem foreign, unreachable, impregnable fortresses. But there is no possession of color, only the acceptance of its reality. And if there is no possibility for the possession of color, there is no possession at all. Of whatever it is.
Etel Adnan, Journey to Mount Tamalpais
L’UNO de Kasper De Vos
Pour 2 à 10 joueurs, à partir de 7 ans. 108 cartes, réparties comme suit : 19 cartes bleues, 19 vertes, 19 rouges, 19 jaunes, 8 cartes « prenez-en deux », 8 cartes « retournez-moi », 8 cartes « passez votre tour », 4 cartes « choisissez », 4 cartes « prenez-en quatre ». Le but du jeu est d’être le premier à marquer 500 points. On marque des points en se débarrassant avant ses adversaires de toutes les cartes qu’on a en main. Les cartes que les adversaires ont encore en main déterminent le nombre de points qu’obtient le premier à s’être débarrassé de toutes ses cartes. Dès qu’il ne reste plus qu’une seule carte à un joueur, celui-ci doit crier UNO, comme un en italien. On peut jouer à plusieurs variantes d’UNO, mais toutes suivent la couleur qui se trouve sur la pile. Cette couleur peut être changée en jouant une carte « prenez-en quatre » ou en posant l’une des quatre cartes « choisissez » et en indiquant la couleur dans laquelle on souhaite que le jeu continue. La couleur sur le dessus de la pile est la couleur dite de signal, qu’il faut suivre lorsqu’on joue une carte. Les couleurs sont les trois couleurs primaires, dans des tons vifs, plus le vert. Bien que le vert ne fasse pas partie des couleurs primaires, c’est la couleur utilisée dans le système de couleurs additives, par exemple pour les écrans, aux côtés du rouge et du bleu, le jaune étant absent. L’être humain est par ailleurs naturellement attiré par le vert, au même titre que par une couleur primaire. Cet attrait est si grand que dans la psychologie des couleurs, le vert est appelé « pseudo-primaire ». Il est donc logique de l’ajouter comme quatrième couleur au jeu de cartes, bien plus que toute autre couleur.
Comprendre une couleur et la suivre paraît également être un apprentissage naturel. De toutes les couleurs, ce sont les couleurs primaires qui paraissent le plus stimuler notre imagination. Miffy le lapin blanc, les jeux de construction Meccano et Bauhaus sont fabriqués avec les couleurs primaires et du vert. Le toit est rouge, le soleil jaune, le ciel bleu et la forêt verte. Ces couleurs sont-elles utilisées parce que nous sommes attirés par elles ou sommes-nous au contraire attirés par ces couleurs parce qu’elles nous entourent depuis notre plus jeune âge ? La question n’est pas tranchée. Au fond, c’est sans importance, les couleurs font partie de notre univers et, outre leur fonction signalétique, elles occupent une place dans notre mémoire. Le signe devient un sentiment.
Kasper De Vos est fasciné par la mémoire des couleurs et leur fonction signalétique, par exemple, dans Tintin. Dans la bande dessinée, on lit l’histoire à travers le texte, mais tout autant à travers les couleurs vives des personnages et des objets. La fusée rouge vif, le vert intense du professeur Tournesol et le pull bleu azur du capitaine Haddock avec sa casquette noire à deux bandes dorées. Grâce aux couleurs, on peut voir en un coup d’œil qui se situe où dans le récit et ce qui s’y déroule. Ce qui fonctionne dans une bande dessinée fonctionne aussi en dehors, dans un magasin par exemple, ou au café. Une bière est jaune doré, tout comme les frites. Le fromage est orange, un hamburger est emballé dans une boîte rouge et un lait chocolaté dans un carton orange-brun avec des lettres bleues. De même qu’on reconnaît le Capitaine Haddock à la combinaison de bleu, de noir et de rayures dorées, on reconnaît le lait chocolaté de la marque Cécémel. Et quand un hard discount comme Aldi vend une variante d’une autre marque dans un conditionnement qui ressemble à celui du Cécémel, on se laisse duper.
Chez De Vos, il s’agit de la reconnaissance de la charge émotionnelle des couleurs. Ce « réflexe émotionnel » devient alors la force directrice avec laquelle les œuvres sont produites – ou composées. Non pas l’appropriation des couleurs, mais l’acceptation de leur réalité et leur utilisation à partir de cette signification émotionnelle. Dans leur clarté et leur intensité, les couleurs ressemblent presque à une métaphore clichée de vie bien ordonnée et irréfléchie. Une vie où l’on boit du lait chocolaté, croque un dessin et lit l’album de Tintin, On a marché sur la Lune. Bien que sur le plan émotionnel les œuvres soient lisibles, elles sont également déroutantes. Il ne s’agit pas de dessins spontanés d’enfants ou de jeux naïfs, mais de fragments arrachés à une réalité hypercapitaliste qui nous attendrissent brièvement ensuite. Outre une lecture littérale du monde, il s’agit d’une tentative de compréhension émotionnelle et intuitive. La couleur est ici non seulement le guide, mais aussi l’hôte et le signifiant.
- Godart Bakkers
Présentation de la publication ‘UNO - Kasper De Vos'
+ séances de dédicaces par l’artiste
& artist talk avec Kasper De Vos et Johan Pas
Dimanche 5.12.2021– 15h
Auditorium – 3ième étage
Ce livre est publié par Stockmans Art Books
en collaboration avec PLUS-ONE Gallery.
208 pp.; 187 x 290 mm; softcover
Textes de Michaël Van Remoortere, Antony Hudek, Sofie Gielis, Vincent Van Meenen
En vente à € 35 dans la boutique du M HKA à partir du 5 décembre.