Basir Mahmood
Le cinéaste pakistanais et artiste plasticien Basir Mahmood (1985, Lahore) suit une formation à la Beaconhouse National University de Lahore avant de poursuivre ses études à la Rijksakademie van Beeldende Kunsten d’Amsterdam. Son œuvre commence à prendre forme entre ces deux villes. Il se concentre à la fois sur les objets, les gestes et les habitudes du quotidien, et sur les grands événements historiques et les mutations sociales. De cette manière, il s’efforce d’explorer l’espace qui s’étend entre l’identité, la distance, la mémoire et l’imagination. L’ambiance de son travail est discrète et provient d’un sentiment d’injustice et d’inégalité sociale. Il met en avant les hiérarchies et les structures sociales de manière mélancolique ou empathique. Mahmood explore simultanément aussi sa propre position en tant qu’artiste en occupant plusieurs rôles ; celui de photographe concerné, de scénariste engagé, de précurseur désintéressé ou de régisseur exigeant.
Les premiers travaux de Mahmood témoignent d’une approche visuelle fortement stylisée. Même s’il fait ses débuts en tant que peintre et photographe de portraits statiques, il s’oriente rapidement vers le film et la vidéo en vue de capturer, de transformer et de réinterpréter plus efficacement la réalité. La vidéo Good ended happily [Le bien a fini heureux] (2018, 13:05 min.) retrace les processus de travail de l’industrie cinématographique. L’artiste laisse la production à une équipe de tournage de « Lollywood » à Lahore, qui était autrefois un centre florissant de l’industrie cinématographique pakistanaise. La seule information qu’il donne à l’équipe est que le film sera lié à la mort de l’ancien chef d’Al-Qaida, Oussama ben Laden. Dans la vidéo, Mahmood fait en sorte que les instructions du régisseur, du caméraman présent et de l’assistant soient clairement entendues pour que tout le processus de production et de tournage devienne une réalité en tant que telle, qui repose sur le talent d’improvisation de toute l’équipe.
Selon le même principe, mais avec un résultat plus poignant, Sunsets, everyday [Des couchers de soleil tous les jours] (2020) met en scène une accusation construite contre la violence domestique. Pendant le confinement, l’artiste remarque que certaines victimes ont le courage de partager des photos de leurs cicatrices physiques sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une manière d’encourager les autres femmes à signaler de tels abus. Mahmood demande à son équipe de production à Lahore de filmer en son absence une scène de violence conjugale sur la base de ses instructions et de quelques images de référence. Pendant que l’équipe réalise cette mission, il a été demandé à deux caméramans de filmer tout le processus et tous les éléments du plateau en permanence, mais pas la violence en elle-même. L’artiste rejette toute forme de spectacle, mais il met l’accent sur ce qui se passe généralement hors du champ de vision. Dans ce méta-cinéma, les personnages sont des techniciens qui doivent suivre pendant des heures les instructions. La vidéo donne l’impression d’assister à une violence routinière d’une manière envoûtante.